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Budgétisation sensible au genre : Maroc

Les outils de budgétisation sensibles au genre du Maroc soutiennent les progrès en matière d'égalité entre les femmes et les hommes (2002-en cours)

2 mai 2024
Auteur : Rabab Hteit
UNESCWA

Depuis 2002, le Maroc a progressivement adopté la budgétisation sensible au genre. la budgétisation sensible au genre (GRB). Cet outil de politique publique analyse les budgets administratifs centraux et locaux afin d’évaluer l’impact de la répartition des dépenses publiques entre les femmes et les hommes. La BSG est mise en œuvre par le biais d’un rapport annuel qui discerne les disparités de financement liées au genre, décrit des stratégies pour combler ces écarts et propose des recommandations pour garantir un financement suffisant des initiatives nationales et locales promouvant l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. 1

Le Maroc a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) en 1993. Au début des années 2000, le gouvernement a commencé à mettre en œuvre une série de réformes dans le but de promouvoir l’égalité des sexes, notamment en s’engageant à mettre en place une budgétisation sensible au genre (BSG). Cette initiative a été en partie motivée par une étude menée par la Banque mondiale et le ministère des finances et de la privatisation (MEF), qui a constaté que le budget public ne prévoyait que très peu d’allocations pour les femmes.

En 2015, la loi de finances (LOF) a formellement institutionnalisé la budgétisation des ressources en fonction du genre (BSG), en rendant obligatoire l’inclusion d’un rapport annuel sur le genre dans le projet de loi de finances et en demandant à tous les ministères et autorités locales d’intégrer des considérations de genre dans leurs budgets. Le lancement de la BSG a coïncidé avec l’adoption de la stratégie nationale pour l’égalité et l’équité entre les hommes et les femmes (NSGEE).2 qui vise à à réduire les disparités entre les sexes en termes de droits, d’accès aux ressources et d’opportunités économiques, ainsi qu’en termes d’influence politique.3

Plus précisément, la BSG implique que la planification budgétaire des ministères et des programmes publics ventile les objectifs de dépenses publiques par sexe. Il s’agit d’un outil qui vise à garantir que les dépenses publiques fonctionne pour tout le mondefemmes et hommes, filles et garçonsen permettant aux gouvernements d’œuvrer en faveur d’une répartition des ressources plus équitable entre les hommes et les femmes. Le manuel sur la BSG fournit des lignes directrices pour la mise en œuvre à l’intention de tous les décideurs politiques et de toutes les parties prenantes.4 En collaboration avec ONU Femmes, le MEF a mené une campagne de sensibilisation à la BSG dans l’ensemble du gouvernement pour s’assurer que les fonctionnaires étaient informés de la BSG.5, 6

Les rapports annuels sur le genre, qui détaillent l’impact du budget sur les femmes et les hommes, constituent un élément essentiel de la BSG. Depuis 2005, le ministère des finances et de l’économie publie un rapport annuel sur le genre. Ce rapport annuel contient des recommandations visant à promouvoir l’autonomisation des femmes. Le rapport a évolué : les premiers rapports sur le genre identifiaient les écarts entre les hommes et les femmes et fixaient des objectifs pour les performances futures ; en 2011, ils ont inclus une section axée sur les droits de l’homme comme base pour de meilleures allocations budgétaires ; et en 2015, les rapports ont commencé à inclure des tableaux montrant la part des femmes employées dans chaque département. précisant la part des femmes dans les postes de direction.7

Mise en œuvre

La mise en œuvre de la BSG a commencé en 2002. De 2002 à 2005, une campagne de sensibilisation interne a permis de faire connaître la BSG ainsi que le manuel aux parties prenantes internes du gouvernement. En 2005, le premier rapport sur la BSG a été publié et un nouveau rapport annuel a été publié depuis. 8

Entre 2005 et 2008, la BSG a été pilotée dans quatre ministères : Économie et finances, Santé, Alphabétisation et éducation non formelle, et Emploi et formation professionnelle.9 Dans le même temps, des systèmes de suivi communautaires ont été mis en place pour collecter des données ventilées par sexe, condition préalable à la mise en œuvre d’une budgétisation fondée sur le genre.10 Suite à l’introduction de données ventilées par sexe et au projet pilote, la BSG a été progressivement déployée dans d’autres ministères au sein du gouvernement fédéral marocain.11

En 2013, le Centre d’excellence pour la budgétisation sensible au genre (CE-BSG) a été créé par le ministère de l’Économie et des Finances en collaboration avec ONU Femmes pour superviser la mise en œuvre de la BSG. En 2015, la loi de finances (LOF) a légalement institutionnalisé la BSG, en stipulant qu’un rapport annuel sur le genre devrait être inclus dans le projet de loi de finances.12 et que les budgets sectoriels de l’ensemble des ministères et des autorités locales intègrent la dimension de genre.13 En 2015, un rapport budgétaire sur le genre était déjà produit chaque année, mais la loi l’a institutionnalisé.

Coût

En 2018, l’AFD (Agence française de développement) a accordé un prêt conditionnel de 100 millions EUR (107 millions USD) à sept ministères marocains pour mettre en œuvre la BSG, sous réserve de preuves tangibles d’engagement en faveur de la BSG. L’AFD a également accordé une subvention de 1 million EUR (1,07 million USD) à ONU Femmes pour faciliter la mise en œuvre de la BSG au sein du gouvernement marocain. 14 En 2018, l’UE a alloué 250 000 euros (268 000 dollars) à 13 experts européens pour renforcer les capacités du Centre d’excellence marocain pour la budgétisation sensible au genre (CE-BSG).15

L'évaluation

Le Maroc a été le premier pays arabe à mettre en œuvre la BSG en 2002. Dans une évaluation de 2014, ONU Femmes a salué la BSG pour avoir conduit à l’inclusion de l’égalité des sexes dans la constitution de 2011. 16 La même année, le Maroc a reçu un « Prix de l’administration publique des Nations unies » pour ses réalisations dans le domaine de la BSG.17

En 2022, 38 départements ministériels marocains issus de 25 ministères avaient adopté la BSG.18 Le rapport annuel sur le genre a été publié avec succès chaque année et a détaillé le degré de budgétisation sensible au genre dans différents secteurs tels que la santé, l’éducation, les transports et les infrastructures.19

Les rapports annuels ont connu une évolution et une amélioration constantes. Les premiers rapports se concentraient sur l’évaluation des écarts entre les hommes et les femmes et sur la fixation d’objectifs pour les performances futures. En 2011, l’accent a été mis sur les droits de l’homme et des indicateurs mesurables sur les droits de l’homme ont été introduits en 2012. Depuis 2015, les rapports détaillent la part des femmes dans l’emploi et dans les postes de direction dans chaque secteur économique,20 qui a jeté les bases de la loi de 2021 sur les quotas de femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées en bourse. La loi sur les quotas stipule qu’au moins 30 % des membres des conseils d’administration des sociétés cotées en bourse doivent être des femmes d’ici 2024, et 40 % d’ici 2027. 21

L’impact direct de la BSG est difficile à évaluer, et toute amélioration ou tout recul des indices de genre au Maroc ne peut être lié à la BSG seule. Néanmoins, sans la BSG, il est impossible d’évaluer dans quelle mesure les budgets publics prennent en compte l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. La BSG joue donc un rôle essentiel dans l’amélioration de la transparence et de la responsabilité en ce qui concerne l’engagement du gouvernement en faveur de l’égalité des sexes.

L’UNIFEM a établi un lien entre la BSG et l’augmentation des fonds alloués aux activités de subsistance des femmes par le ministère de l’Agriculture, qui sont passés de 5 millions de dirhams (490 000 USD) en 2002 à 6,3 millions de dirhams (617 000 USD) en 2006. Les chercheurs estiment toutefois qu’il est impossible d’attribuer ces améliorations uniquement à la BSG, étant donné que ces domaines sont ciblés par de nombreuses institutions et initiatives de donateurs. 22

Informations complémentaires

Les rapports sur le genre sont des outils importants pour la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’élaboration des politiques, mais lorsqu’ils sont présentés au parlement, ce dernier dispose de peu de temps et de capacités pour les analyser. En outre, il n’a que peu de pouvoir pour donner suite aux recommandations, ce qui contribue à ralentir les progrès vers l’égalité entre les femmes et les hommes .23

©️AdobeStock/Nataraj
Références

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