Après plus d’un siècle de gouvernance coloniale imposée, le droit inhérent à l’autonomie des peuples autochtones du Canada a été reconnu en 1982. Les accords ultérieurs ont abouti à des dispositions d’autonomie et de cogestion avec d’autres gouvernements. Il existe 25 accords sur l’autonomie gouvernementale au Canada, deux accords sur l’éducation et une cinquantaine de négociations en cours. De nombreux groupes considèrent l’autonomie comme un moyen de préserver leur culture et de reprendre le contrôle de leurs terres, de leurs ressources et de leurs pratiques.
En 1982, le gouvernement canadien a promulgué une nouvelle constitution pour établir l’indépendance constitutionnelle vis-à-vis du Royaume-Uni, et l’article 35 a établi le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale pour les peuples indigènes. Ce droit n’établit pas la souveraineté, mais vise à « renforcer la participation des peuples autochtones à la fédération canadienne et à faire en sorte que les peuples autochtones et leur gouvernement n’existent pas de manière isolée, séparée et à l’écart du reste de la société canadienne ».1
Mise en œuvre
L’adoption et la mise en œuvre du droit à l’autonomie gouvernementale sont le résultat d’années de plaidoyer et de contestations juridiques de la part de plusieurs groupes autochtones canadiens. Bien que ce droit existe en principe, les groupes doivent s’engager dans des négociations complexes et souvent longues pour revendiquer le droit à l’autonomie gouvernementale. En fin de compte, le gouvernement fédéral contrôle l’attribution des droits d’autonomie et la charge de la preuve incombe aux groupes autochtones qui doivent « persuader le gouvernement de l’existence d’une revendication crédible d’un titre aborigène ».2 Cependant, lors de la négociation des traités, le gouvernement canadien a l’obligation de consulter et, si nécessaire, d’accommoder les intérêts des groupes qui n’ont pas encore revendiqué leurs droits.
Sur la base d’un arrêt de la Cour suprême de 1996, un test a été établi pour déterminer quels droits sont protégés par l’article 35 de la constitution, et un second arrêt de la Cour a estimé que les revendications en matière d’autonomie gouvernementale en faisaient partie.3 Selon le test Van der Peet, les revendications au titre de l’article 35 doivent porter sur des pratiques, des coutumes ou des traditions qui faisaient partie intégrante d’une culture distincte avant le contact avec les Européens.4
Les accords de traités qui établissent l’autonomie gouvernementale sont tous uniques, reconnaissant que les différents groupes autochtones ont des circonstances historiques, culturelles, politiques et économiques différentes.5 L’un des accords à plus grande échelle, l’Accord du Nunavut, établit l’autonomie gouvernementale pour un territoire entier du Canada et tous les peuples qui y résident, tandis que d’autres sont spécifiques à des groupes qui peuvent occuper des terres avec des revendications multiples ou des accords qui se rapportent à des questions spécifiques, telles que l’éducation. La plupart des négociations portent sur l’établissement d’une juridiction ou d’une autorité sur des questions internes à un groupe, à sa culture, et essentielles à son fonctionnement en tant que gouvernement ou institution. Selon cette approche, certains domaines relèvent de l’autonomie gouvernementale (adhésion, mariage, services sociaux, maintien de l’ordre, gestion des ressources naturelles, fiscalité, etc.) et d’autres domaines sont considérés comme ayant un impact au-delà des communautés et ne sont donc pas inclus dans l’autonomie gouvernementale (divorce, justice, gestion de l’environnement, travail et formation, etc.)6
Coût
Le gouvernement du Canada co-développe la politique fiscale pour soutenir l’autonomie gouvernementale, avec l’engagement de « parvenir à la réconciliation avec les peuples autochtones par une reconnaissance renouvelée des droits, du respect, de la coopération et du partenariat, de nation à nation, de gouvernement à gouvernement et entre les Inuits et la Couronne ».7 La politique engage également le gouvernement à atteindre l’équité dans les résultats socio-économiques entre les peuples autochtones et non autochtones, avec une référence explicite au rôle que joue l’héritage de la colonisation dans les inégalités. Le dernier budget fédéral (2022) a engagé 11 milliards de dollars canadiens (environ 8,12 milliards de dollars américains) sur six ans pour les priorités autochtones. Le gouvernement canadien offre également des subventions pour soutenir jusqu’à 100 % des activités liées aux négociations de traités pour les revendications territoriales et les revendications d’autonomie gouvernementale.8
L’évaluation
Les accords d’autonomie peuvent avoir des effets considérables en renforçant la capacité à gérer les affaires internes et en conférant un plus grand pouvoir de décision sur les questions qui affectent les communautés.9 Cependant, il existe encore de nombreux obstacles à l’égalité et à l’inclusion des peuples autochtones au Canada, ainsi que des injustices persistantes qui nécessitent des interventions multiples, comme l’héritage du système des pensionnats qui a séparé de force les enfants autochtones de leur famille et l’épidémie de violence à l’encontre des femmes autochtones.
Une étude récente a montré que les accords de revendications territoriales globales combinés à des accords d’autogouvernance ont entraîné une augmentation du revenu annuel moyen des ménages dans les communautés concernées de 11 000 CAD (8 000 USD), ce qui a entraîné une diminution du coefficient de Gini d’environ 2,0 à 3,5 points de pourcentage.10 La dernière évaluation gouvernementale de l’autonomie indigène (2018) a révélé que l’obtention d’un accord d’autonomie a entraîné une augmentation de 41 % du revenu total pour les hommes indigènes non enregistrés, de 13 % pour les hommes ayant une identité indigène, mais aucun effet mesurable sur le revenu total des femmes.11 Les accords d’autonomie ont également eu de légers effets positifs sur la participation au marché du travail, la réduction de la surpopulation des logements, l’amélioration du bien-être des communautés et « un sentiment renouvelé de fierté à l’égard de leurs gouvernements, en particulier en ce qui concerne le droit d’élire leur propre gouvernement, la capacité de prise de décision indépendante et le fait de devoir rendre des comptes à leurs propres citoyens ».12
Informations complémentaires
Les peuples autochtones ont pratiqué diverses formes de gouvernement pendant des milliers d’années avant l’arrivée des colons au Canada. La loi sur les Indiens de 1876 a imposé un système de gouvernance colonial qui continue de déterminer la manière dont la plupart des peuples autochtones sont gouvernés au Canada.13
Références
- 1. Gouvernement du Canada ; Relations Couronne-Indigènes et Affaires du Nord Canada, "L'approche du gouvernement du Canada à l'égard de la mise en œuvre du droit inhérent et de la négociation de l'autonomie gouvernementale des Autochtones", 1er mars 2023, https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/eng/1100100031843/1539869205136.
- 2. McNeil, Kent, "A Brief History of Our RIght to Self-Governance", National Centre for FIrst Nations Governance, 2007, https://fngovernance.org/wp-content/uploads/2020/05/Self-Governance_Right_CFNG.pdf
- 3. Christie, Gordon, "Aboriginal Nationhood and the Inherent Right to Self-Government," National Centre for FIrst Nations Governance, 2007, https://fngovernance.org/wp-content/uploads/2020/09/gordon_christie.pdf
- 4. Ibid.
- 5. Gouvernement du Canada, "L'approche du gouvernement du Canada".
- 6. McNeil, "Une brève histoire".
- 7. Gouvernement du Canada ; Crown-Indigenous Relations and Northern Affairs Canada, "Canada's Collaborative Self-Government Fiscal Policy", 27 août 2019, https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/eng/1566482924303/1566482963919
- 8. Assemblée des Premières Nations, "Bulletin de l'Assemblée des Premières Nations - Budget fédéral 2022", Assemblée des Premières Nations, 8 avril 2022, https://www.afn.ca/assembly-of-first-nations-bulletin-federal-budget-2022.
- 9. Peendakur, Krishna, et Ravi Pendakur, "The Impact of Self-Government, Comprehensive Land Claims, and Opt-In Arrangements on Income Inequality in Indigenous Communities in Canada", Canadian Public Policy-Analyse De Politiques 47, no. 2 (2021) : 180–201, https://doi.org/10.3138/cpp.2020-004
- 10. Ibid.
- 11. Relations entre la Couronne et les autochtones et Affaires du Nord Canada. 2018. "Évaluation de l'incidence des accords d'autonomie gouvernementale, gouvernement du Canada, 7 novembre 2018. https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/eng/1510084299715/1542230678827
- 12. Ibid.
- 13. Crown-Indigenous Relations and Northern Affairs Canada, "Self-Government", Gouvernement du Canada, 25 août 2020, https://www.rcaanc-cirnac.gc.ca/eng/1100100032275/1529354547314