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Réservation politique pour les femmes : Inde

Les modifications apportées à la constitution indienne prévoient un mandat pour la participation des femmes à la vie politique

3 juin 2023
Auteur : Ritwick Dutta

Les 73e et 74e amendements à la Constitution, adoptés en 1992, ont rendu obligatoire l’autonomie locale en Inde. Elle prévoyait également la réservation d’au moins 30 % des sièges pour les femmes dans les organes de gouvernement locaux ruraux et urbains nouvellement créés. Ces amendements promeuvent l’égalité des sexes et permettent la participation des femmes à la gouvernance locale, en augmentant la représentation des femmes et en leur assurant une voix plus importante dans les processus de prise de décision législative.1

Historiquement, les femmes en Inde ont souvent été exclues du processus de prise de décision au sein des systèmes de gouvernance et ont été confrontées à des obstacles importants en matière de participation politique.2 Ainsi, après des années de débat sur la réservation de sièges pour les femmes, les 73e et 74e amendements historiques à la Constitution ont imposé à tous les gouvernements des États de réserver un tiers des sièges aux femmes dans les organes locaux ruraux (c’est-à-dire au sein des institutions Panchayati Raj ) et un tiers des postes de président à tous les niveaux des institutions Panchayati Raj nouvellement créées, ainsi que dans les organes locaux urbains. En outre, un tiers de ces sièges serait réservé aux femmes qui s’identifient comme faisant partie de la population historiquement marginalisée des castes et tribus répertoriées.

Le mandat relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes visait à accroître la représentation des femmes dans la vie politique au niveau local et à améliorer la répartition du pouvoir de décision.3

Elle a été adoptée à des moments différents dans les États, en raison des différents niveaux de volonté politique.4 Alors que plusieurs États comme le Kerala et le Tamil Nadu ont immédiatement mis en œuvre le mandat en raison d’un fort soutien politique, d’autres États comme le Bihar ont retardé les élections locales en raison de litiges et de préoccupations concernant le fait de réserver aux femmes les postes de direction au sein de l’administration locale.5 Malgré cela, de nombreux États, dont l’Andhra Pradesh, le Bihar, le Chhattisgarh, le Jharkhand, le Kerala et le Maharashtra, ont pris des dispositions légales pour garantir une réservation de 50 % pour les femmes dans les organes locaux.6

Mise en œuvre

Le processus de réservation est mis en œuvre par le biais d’un système de quotas électoraux, dans le cadre duquel au moins 33 % du nombre total de sièges à pourvoir dans les organes locaux ruraux et urbains sont occupés par des femmes. Les femmes sont directement désignées par les partis politiques ou se présentent comme candidates indépendantes aux élections locales.

La réserve est répartie entre les circonscriptions tous les cinq ans, afin que les femmes de différentes régions aient la possibilité de se présenter aux élections, et ce processus se poursuit à chaque cycle électoral.7 Cela permet de garantir que l’effet de la réservation est réparti uniformément entre les zones géographiques des villages et des villes.8

En plus de permettre aux femmes d’assumer des rôles de direction en réservant les postes de président et de vice-président des organes locaux, au moins 33 % des postes de président (cabinet) de ces organes locaux sont également réservés aux femmes sur la base d’une rotation, ce qui garantit leur représentation dans les organes décisionnels finaux.9

De nombreux programmes de développement des compétences et des sessions de formation au leadership menés par le gouvernement et les organisations non gouvernementales ont contribué à améliorer les performances des femmes qui occupent des postes politiques élus.10

Coût

La détermination du coût de la mise en œuvre de la politique de réservation pour les femmes en Inde est complexe en raison de multiples facteurs, notamment les dépenses administratives liées à la mise en place des organes locaux, à l’organisation des élections et à la formation des représentants élus.

L’évaluation

Le fait d’offrir aux femmes des possibilités formelles de participer à la gouvernance locale a permis d’accroître la participation politique des femmes au sein de leurs communautés.11 Actuellement, l’Inde compte 260 512 organes locaux avec 3,1 millions de représentants élus, dont un nombre record de 1,3 million de femmes.12 En outre, la contestation politique par les femmes au niveau local est élevée : plus de cinq millions de femmes se sont présentées pour plus d’un million de sièges réservés aux femmes dans tous les organes locaux, ce qui signifie qu’en moyenne, cinq candidates se sont présentées pour chaque siège disponible. Davantage de femmes ont également commencé à remporter des sièges non réservés ou généraux.13

Depuis la mise en œuvre de cette politique, 20 des 28 États de l’Inde ont porté de 33 % à 50 % la réserve de femmes dans les organes locaux ruraux et urbains.14 49 % des représentants locaux élus sont des femmes – ce chiffre a franchi la barre des 50 % dans certains États, comme l’Odisha – et 86 000 femmes président leurs organes locaux respectifs.15

Cette politique est considérée comme essentielle pour promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, ainsi que pour garantir la prise en compte des besoins et des perspectives des femmes dans la planification du développement local.16 Certains ont affirmé qu’il a également joué un rôle important dans l’atténuation des préjugés sexistes et des normes sociétales qui ont historiquement limité l’accès des femmes au pouvoir politique.17 En outre, cette politique a permis d’améliorer la fourniture de services et d’infrastructures de base dans les zones rurales, ce qui a eu un impact positif sur le bien-être général des femmes et de leurs familles.18 Les réserves ont renforcé la participation des femmes dans la sphère publique, et les femmes au sein des gouvernements locaux ont tendance à donner la priorité aux besoins et aux intérêts des femmes, ce qui implique d’investir davantage dans les services essentiels tels que l’eau, la nutrition et l’éducation des enfants.19

Cela ne s’est toutefois pas traduit par une plus grande participation au niveau national, où il n’existe pas de mandat en matière d’égalité des sexes. Seuls 14 % environ des membres de la Chambre basse du Parlement sont des femmes, ce qui est peut-être le taux le plus élevé à ce jour dans le pays, mais reste bien en deçà de la moyenne mondiale de 26 %.20 Bien que des propositions visant à légiférer sur la réservation de sièges pour les femmes au Parlement et dans les assemblées d’État aient fait surface en 1996, elles se sont heurtées à une opposition significative de la part de divers partis politiques, et aucune loi de ce type n’a été adoptée à ce jour.21

Certaines études ont également montré que les quotas électoraux pour les femmes en Inde pourraient avoir eu pour effet involontaire de réduire la représentation des castes inférieures. 22 Certains craignent également que les femmes soient des candidates par procuration et soient contrôlées par les hommes de leur famille pour servir leurs propres intérêts politiques au sein des organes locaux. Cependant, une étude influente a montré que ce n’était pas la norme. 23 Enfin, une autre étude a également montré que les quotas peuvent, en raison des effets du patriarcat, susciter des réactions négatives à l’égard des femmes qui obtiennent des droits économiques avec l’aide de femmes dirigeantes. 24

Références

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