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Commission Vérité et Dignité : Tunisie

L'Instance Vérité et Dignité de la Tunisie enquête sur les violations des droits de l'homme entre 1955 et 2013

5 juin 2023
Auteur : Rabab Hteit

La Tunisie a été une colonie française entre 1881 et 1956, et a lutté pour mettre en place un gouvernement démocratique entre l’indépendance et 2011. En 2013, l’Instance Vérité et Dignité a été créée pour enquêter sur les violations des droits de l’homme et la corruption entre 1955 et 2013. La Commission a cherché à réconcilier le pays en cherchant à rendre justice aux victimes.

Après la révolution de 2011, le gouvernement a adopté la loi organique n° 53-2013, créant l’Instance Vérité et D ignité (IVD). La loi comprend 71 articles relatifs à l’établissement de la justice transitionnelle et est le résultat de consultations approfondies entre le ministère des droits de l’homme et de la justice transitionnelle et des membres de la société civile en Tunisie.1

Mise en œuvre

L’IVD était chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme survenues en Tunisie entre 1955 et 2013. Les objectifs de l’IVD étaient d’assurer la transition du pays vers la démocratie, de révéler la vérité sur les violations passées des droits de l’homme, de demander des comptes aux responsables, de restaurer les droits et la dignité des victimes, de préserver la mémoire et, enfin, de faciliter la réconciliation nationale.2

Le travail de la DIV a débuté avec 62 354 dossiers déposés par des victimes. Ils couvrent 14 000 cas d’arrestations et d’emprisonnements injustes, 10 000 cas de torture, 350 cas de viols et d’abus sexuels, 600 homicides, 200 disparitions forcées, 61 exécutions sans procès équitable et d’autres cas de suppression de la liberté. Les auditions de l’IVD ont également permis de recueillir les témoignages de 1 782 Tunisiens qui ont lutté contre les Français pour l’indépendance de la Tunisie, dont 367 femmes.3

Les auditions publiques ont débuté le 17 novembre 2016 et ont été diffusées sur les réseaux nationaux et internationaux.4 La DIV est un organisme public doté d’une autonomie juridique, financière et administrative.5 La Commission était composée de 15 membres élus par l’Assemblée nationale constituante et d’un président.6 Sa mission était limitée à quatre ans, renouvelable une fois pour un an seulement.7 La présidence a été confiée à Siham Bensedrine, une femme tunisienne défenseur des droits de l’homme, emprisonnée en 2001 pour avoir dénoncé la corruption et la torture.8

En 2016, le Quartet, une coalition de la société civile composée de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), de l’Ordre des avocats de Tunisie et de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH), a mené l’acte de préservation de la transformation politique du pays de l’autoritarisme à la démocratie. Ils ont promu le travail de la DIV, encouragé et soutenu les victimes dans le processus de dépôt de leurs plaintes.9 En outre, la société civile a joué un rôle essentiel dans la défense de l’IVD contre les contraintes politiques auxquelles elle était confrontée au cours de sa mission, en communiquant continuellement son rôle et ses objectifs au public.10

Coût

Le coût de la DIV a été pris en charge par le gouvernement tunisien. Les fonds alloués annuellement sont passés de 2,5 millions de DT en 2014 (1,5 million USD au taux de change moyen de 2014) à 19 millions TND en 2017 (7,9 millions USD au taux de change moyen de 2017), pour un budget total de 56,7 millions TND (24 millions USD au taux de change moyen de 2017) couvrant les dépenses entre les années 2014 et 2018.11 La majorité de ces fonds a été allouée au paiement des salaires des employés.12 En outre, le gouvernement tunisien a alloué 10 millions TND (3,3 millions USD) pour l’indemnisation des victimes.14

L'évaluation

Bien que le Parlement ait mis fin à la mission de l’IVD en décembre 2018, le rapport final de l’IVD a été approuvé par le Parlement.13 a été publié le 26 mars 2019. Le rapport a été transmis au Président, au Parlement et au Gouvernement, et publié au Journal Officiel de la Tunisie le 24 juin 2020.15

Le rapport final fait état de 49 654 auditions,16 et présente une liste de plus de 10 000 victimes17 qui étaient en droit d’obtenir réparation. Elle comprenait également des recommandations de réformes structurelles visant à soutenir la transition vers la démocratie, à garantir le respect des droits de l’homme et à prévenir l’utilisation abusive des fonds publics.18

La DIV a transféré 204 dossiers au pouvoir judiciaire,19 et, en conséquence, 430 personnes ont été reconnues coupables de torture et 66 personnes ont été reconnues coupables de corruption.20 Le soutien politique de l’IVD a parfois été remis en cause par des hauts fonctionnaires liés aux régimes précédents. Dans le même temps, le travail de l’IVD a été critiqué par les médias pour son manque d’impartialité et la lenteur du décaissement des fonds de réparation, qui n’a pas été considéré comme proportionnel à l’étendue des dommages infligés.21

Informations complémentaires à prendre en compte

Le Quartet est une association d’organisations de la société civile en Tunisie. Elle a reçu le prix Nobel de la paix en 2015 « pour sa contribution décisive à l’édification d’une démocratie pluraliste en Tunisie dans le sillage de la révolution de jasmin de 2011 ». Le Quartet a pris l’initiative de mener un dialogue national après la révolution du jasmin, sauvant ainsi la Tunisie d’une guerre civile.

Références

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