En 1995, le gouvernement marocain a lancé un programme national(Programme National de Routes Rurales), soutenu par la Banque mondiale, pour améliorer l’accès aux routes de la population rurale afin de lutter contre la pauvreté, l’isolement social et l’inégalité.1 Le programme visait à fournir des routes praticables par tous les temps aux zones rurales isolées en revêtant et en gravelant les anciennes routes de terre, inaccessibles aux véhicules et susceptibles d’être bloquées par les inondations. Les routes praticables par tous les temps relient les zones rurales aux différentes villes et améliorent l’accès aux services de base tels que les écoles, les marchés et les établissements de santé pour les communautés rurales. En 2005, le programme a été élargi afin de permettre à l’ensemble de la population rurale d’avoir accès à des routes praticables par tous les temps. Le programme a joué un rôle majeur dans la réduction de la pauvreté et des inégalités pour les habitants des zones rurales, notamment en améliorant l’accès aux transports, à l’agriculture, à la santé et à l’éducation.
Au début du programme en 1995, près de la moitié des Marocains (48 %) vivaient dans des zones rurales,2 soit environ 70 % des pauvres du pays.3 Avant le programme, seuls 43 % des villages ruraux avaient accès à des routes praticables par tous les temps, 35 % avaient accès à certaines routes susceptibles d’être isolées en cas d’inondations saisonnières, et 22 % étaient complètement déconnectés, en particulier dans les régions montagneuses.4
En conséquence, les populations rurales avaient un accès réduit aux marchés pour acheter et vendre des biens, ainsi qu’aux soins de santé, à l’éducation et à d’autres services publics et institutions gouvernementales. Les femmes et les filles des zones rurales ont été touchées de manière disproportionnée. Par exemple, dans les zones rurales, les barrières socioculturelles entravent l’éducation des filles, car on attend d’elles qu’elles s’occupent des tâches domestiques, alors que l’éducation des garçons est prioritaire. 5 En 1995, environ 90 % des femmes des zones rurales étaient analphabètes.6
Pour lutter contre l’inégalité croissante entre les zones rurales et urbaines, le programme marocain de routes rurales a été lancé en 1995 et a ouvert la voie à d’autres programmes réussis dans les zones rurales en assurant la connectivité et l’accès aux services publics, à la santé, à l’éducation et aux marchés.
Mise en œuvre
En 1995, la première phase du programme de développement des routes rurales a été lancée par le gouvernement du Maroc et la Banque mondiale. Il a permis de construire 11 000 kilomètres de routes praticables par tous les temps dans les zones rurales, soit 20 % de l’ensemble des routes, en améliorant les routes existantes (6 050 kilomètres) ou en construisant de nouvelles routes (4 950 kilomètres).7
L’Agence nationale des routes était responsable de la conception et de la mise en œuvre de l’amélioration et de la construction des routes, en consultation avec les autorités locales et avec l’assistance technique de la Banque mondiale.8
Après une première phase réussie, une deuxième phase a été lancée en 2005 et s’est achevée en 2017.9 La deuxième phase visait 15 000 km supplémentaires de routes rurales,10 et s’est concentrée sur le renforcement de la capacité des autorités locales à gérer les projets.11
Les routes ont été sélectionnées pour la construction ou la réhabilitation en fonction de l’impact économique potentiel de la route sur la communauté locale, de l’accessibilité des zones desservies par la route, de l’importance de la route pour relier les centres sociaux et administratifs, et du potentiel agricole de la zone environnante influencée par la route.12
Coût
La première phase (1995-2005) du programme de développement des routes rurales a coûté 194,1 millions d’USD, financés par la Banque mondiale (57,6 millions d’USD), le Fonds de coopération économique d’outre-mer (OCEF) du Japon (62,9 millions d’USD) et des subventions (2,2 millions d’USD). Le gouvernement du Maroc a contribué à hauteur de 71,4 millions d’USD.13
Au cours de la même période, la Banque européenne d’investissement et l’Agence française de coopération internationale ont également soutenu un autre programme visant à développer les routes rurales du Maroc dans le nord du pays. Ils ont contribué à la construction de routes rurales à hauteur de 60 millions d’USD et de 24 millions d’USD respectivement.14
La deuxième phase (2005-2017) du projet de la Banque mondiale a coûté 132,55 millions d’USD, dont 96,55 millions d’USD apportés par la Banque mondiale et 36 millions d’USD pris en charge par le gouvernement marocain.
L'évaluation
Lors de la première phase du programme, l’accès de la population rurale à une route praticable par tous les temps est passé de 34 % à 54 %.15 En conséquence, les coûts de transport et le temps passé à voyager ont été réduits pour les populations rurales ; les agriculteurs ont pu accéder aux ressources à des prix réduits et cultiver des produits de plus grande valeur (périssables) ; les populations rurales ont eu un meilleur accès aux établissements de santé ; et les inscriptions dans les écoles primaires ont doublé.16
Un meilleur accès aux routes a également joué un rôle dans la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation économique des femmes. La scolarisation des filles dans les écoles primaires a augmenté et dépassé celle des garçons, davantage de femmes ont pu accéder aux services de santé et davantage d’accouchements ont été supervisés par des professionnels de la santé, tandis que la livraison de gaz butane aux foyers ruraux a réduit le temps que les femmes consacraient à la collecte de bois de chauffage et leur a permis de s’engager dans une activité économique.17
2 919 000 habitants des zones rurales ont directement bénéficié de la deuxième phase, qui a vu la construction ou la remise en état de 13 438 km de routes rurales. Entre 2005 et 2016, la proportion de la population vivant à moins d’un kilomètre d’une route est passée de 54 % à 79 %. La deuxième phase a continué à bénéficier à la scolarisation et à l’alphabétisation dans les zones rurales, à l’accès aux équipements de santé et à l’autonomisation économique des femmes.18
Références
- 1. Groupe de la Banque mondiale, "Morocco's Infrastructure Review", mai 2020, https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/33965/Morocco-Infrastructure-Review.pdf?sequence=1&isAllowed=y
- 2. "Routes rurales et réduction de la pauvreté au Maroc", Banque mondiale, 2004, p. 7, http://web.worldbank.org/archive/website00819C/WEB/PDF/MOROCCO_.PDF
- 3. "Routes rurales", p. 6-7.
- 4. Ibid.
- 5. UNPO, "Amazigh : Berber Girls Most Affected by High Illiteracy Rate in Morocco" (Amazigh : les filles berbères sont les plus touchées par le taux élevé d'analphabétisme au Maroc), 20 juin 2016, https://unpo.org/article/19267
- 6. "Routes rurales", 2004, p. 6-7.
- 7. Ibid, p. 6.
- 8. Ibid, p. 5.
- 9. Ibid.
- 10. Ibid.
- 11. " En route vers les opportunités : Construire l'avenir de la population rurale du Maroc", Banque mondiale, 2018, https://www.worldbank.org/en/news/feature/2018/08/07/road-to-opportunities-building-the-future-for-morocco-s-rural-population
- 12. "Routes rurales", p. 2.
- 13. "Staff Appraisal Report Kingdom Of Morocco Secondary, Tertiary And Rural Roads Project", Banque mondiale, 11 mai 1995, https://documents1.worldbank.org/curated/en/204961468779971976/text/multi0page.txt
- 14. "Routes rurales", p. 24-25.
- 15. Groupe de la Banque mondiale, "Morocco's Infrastructure".
- 16. "Routes rurales", p. 24-25.
- 17. Ibid.
- 18. Banque mondiale, "Road to Opportunities".