Français
Protection sociale : Tunisie

Vers une protection sociale complète et inclusive en Tunisie (2014-en cours)

5 octobre 2023
Auteur : Bryony Steyn
ONU ESCWA

Comparé à d’autres pays de la région arabe, le système de protection sociale de la Tunisie est bien conçu. Il comprend des régimes contributifs pour une grande partie de la population active et des personnes à leur charge, et des régimes non contributifs sous forme de subventions universelles, de transferts monétaires ciblés et d’assurance maladie sociale pour les populations pauvres et vulnérables.1

Suite à la révolution de 2011 en Tunisie, le droit à la protection sociale a été renforcé en vertu des principes de justice sociale. Le droit à la couverture sociale est inscrit dans la Constitution depuis20142.

En 2019, le ministère des affaires sociales a intégré tous les programmes de protection sociale dans un seul programme, Amen Social. Le programme intègre des programmes préexistants, tels que le Programme national d’aide aux familles nécessiteuses (PNAFN), l’Assistance médicale gratuite (AMGI) et le Programme d’accès aux soins de santé à tarif réduit (AMGII), et les élargit pour inclure un plus grand nombre de personnes. Amen Social est une extension du concept de protection sociale et comprend des mesures allant au-delà du revenu, telles que la santé, l’éducation, l’accès aux services publics et les conditions de vie.3 Amen Social repose sur deux piliers : l’assistance sociale et l’assurance sociale.

  1. L’aide sociale est fournie par l’État à des groupes ciblés (personnes à faible revenu, personnes handicapées et personnes relevant du système de soins de l’État). Il comprend le PNAFN, qui fournit des transferts en espèces aux groupes vulnérables et à faibles revenus, ainsi que l’AMGI et l’AMGII, qui fournissent un accès subventionné ou gratuit aux soins de santé aux personnes qui ne sont pas couvertes par l’assurance maladie, dans le but d’atteindre la couverture sanitaire universelle.4
  2. L’assurance sociale est fournie par l’État grâce aux contributions des citoyens sous forme d’impôts. Il comprend trois régimes : (1) la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (CNRPS), (2) la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) et (3) la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). La CNRPS et la CNSS offrent respectivement aux travailleurs du secteur public et du secteur privé une couverture en matière de retraite, d’invalidité, d’accidents du travail, de décès, de maternité et de paternité (bien qu’il existe des prestations différentes pour les différentes catégories de travailleurs). La CNAM fournit une couverture santé, notamment pour la maladie, les accidents et les maladies professionnelles, à tous les travailleurs formellement employés (estimés à 56 % du secteur privé en 2019).56 Des subventions universelles existent pour les produits de base essentiels (généralement les denrées alimentaires, le transport et le carburant).

Mise en œuvre

Le système de protection sociale tunisien a vu le jour dans les années 1960 et a été progressivement renforcé au fil du temps pour devenir plus complet et s’adapter aux nouvelles conditions sociales et de travail. Lors de la révolution de 2011, il a été à nouveau reconnu que l’assistance sociale excluait encore certains des ménages tunisiens les plus vulnérables, tels que les travailleurs informels, les populations rurales, les jeunes chômeurs, les personnes handicapées et les travailleurs migrants.

Le ministère des affaires sociales supervise tous les programmes de protection sociale mentionnés dans la section précédente (à la fois l’assistance sociale et l’assurance sociale), bien que chaque programme soit géré par un fonds de programme distinct.

L’assurance sociale est gérée par la CNRPS pour les travailleurs du secteur public et par la CNSS pour les travailleurs du secteur privé. Les cotisations médicales des travailleurs du secteur formel sont gérées par la CNAM.

L’aide indirecte (et universelle) (sous forme de subventions) est transférée par l’intermédiaire de la Caisse générale de compensation (CGC), créée en mai 1970 pour contrôler les prix de certains produits alimentaires de base.7 Depuis 2013, les travailleurs sociaux du ministère des affaires sociales recensent les bénéficiaires de l’aide sociale dans le but de créer une base de données exhaustive, désormais soutenue par l’initiative du numéro d’identification sociale (NAS). L’éligibilité des bénéficiaires est confirmée par un test de ressources de substitution, conçu pour réduire les erreurs d’inclusion (y compris les bénéficiaires non ciblés) et d’exclusion (excluant les bénéficiaires ciblés).8

Coût

Le ministère tunisien des Finances a alloué un milliard de dinars tunisiens (TND) (2,8 milliards USD), soit environ 5 % du budget 2022, à la sécurité sociale.9

En 2021, le coût total du programme Amen a atteint 259 millions d’USD, dont 229 millions d’USD sous forme de transferts monétaires.10 Dans le même temps, 3 100 millions TND (environ 1,1 milliard USD au taux de change de 2021) ont été alloués à des subventions : 2 200 millions TND (environ 800 millions USD) pour les produits de base (par exemple, la nourriture), 500 millions TND (180 millions USD) pour le transport et 400 millions TND (environ 150 millions USD) pour le carburant.11

Les cotisations au titre de la CNRPS (pour les travailleurs du secteur public) s’élèvent à 23,7 % du salaire mensuel, dont 14,5 % sont versés par l’employeur et 9,2 % par l’employé. Les cotisations à la CNSS (travailleurs du secteur privé) varient selon la catégorie de travailleurs. Pour les travailleurs non agricoles, les cotisations s’élèvent à 27,75 % du salaire, dont 16,57 % sont payés par l’employeur et 9,18 % par le salarié.12 Pour les travailleurs agricoles, les cotisations sont moins élevées.

L'évaluation

Le système de protection sociale tunisien est souvent considéré comme l’un des plus performants de la région arabe, car il intègre des programmes complémentaires et s’adresse à l’ensemble de la population tunisienne.

Sous l’égide d’Amen Social, le PNAFN n’a cessé d’augmenter l’ampleur de l’aide offerte et la couverture depuis sa création. Depuis 1987, il a augmenté plus rapidement que le salaire minimum (même s’il reste inférieur à celui-ci). En 2021, 266 000 ménages, soit 8 % de la population, ont bénéficié de transferts monétaires et de soins de santé gratuits. Les bénéficiaires des transferts monétaires reçoivent 180 TND (64 USD) par mois, soit 45 % du salaire minimum, plus 30 TND par trimestre pour chaque enfant en âge d’être scolarisé, afin d’inciter les enfants à rester à l’école.13 Dans le même temps, 620 000 ménages ont bénéficié de soins de santé subventionnés, ce qui porte le nombre total de bénéficiaires de soins de santé à plus d’un quart de la population.14

75 % de la population cotisent à un régime de retraite,15 tandis que la CNAM (assurance maladie pour les travailleurs formels) couvrait 8 064 733 personnes (environ 70 % de la population) en 2018.16

Toutefois, les travailleurs du secteur privé (79 % de la population active, dont 56 % sont employés de manière formelle et 44 % de manière informelle)17 et les travailleurs du secteur public (21 % de la population active) ne bénéficient pas des mêmes avantages. Les travailleurs du secteur privé bénéficient d’une couverture de retraite moins favorable et d’un congé de maternité plus court et moins bien rémunéré. Les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes et la faible participation des femmes au marché du travail risquent de réduire les cotisations des femmes à l’assurance sociale, et donc leurs pensions et prestations finales, et de nombreux versements de pensions restent inférieurs au salaire minimum. L’assurance chômage ne couvre que les licenciements pour raisons technologiques ou économiques.18

Les régions pauvres sont moins bien équipées sur le plan médical et il existe donc une disparité dans les services de soins de santé fournis par les différents types d’assurance maladie et entre les régions pauvres et les régions riches.19

« Homme dans le désert, ©Adobe Stock/Fotolibrary
Références

Tags