Français
Statut de protection temporaire pour les migrants vénézuéliens : Colombie

Statut de protection temporaire de dix ans accordé par la Colombie aux migrants et réfugiés vénézuéliens

18 juillet 2023
Auteur : Laura Maria Rojas Morales

En février 2021, le gouvernement colombien a lancé le statut de protection temporaire (Estatuto Temporal de Protección para Migrantes Venezolanos, ou ETPV), un statut de régularisation de dix ans qui permet à près de deux millions de migrants et de réfugiés vénézuéliens d’accéder à l’emploi formel, à l’éducation, aux soins de santé et aux services financiers. L’EPTV a été reconnu internationalement comme un geste humanitaire qui établit un nouveau modèle progressif d’intégration des migrants et des réfugiés.

La situation politique et économique actuelle au Venezuela a entraîné une augmentation du nombre de migrants et de réfugiés fuyant la violence, l’insécurité et la pénurie de nourriture, de médicaments et de services essentiels dans les pays voisins.1 En mars 2023, il y aura 7,1 millions de réfugiés et de migrants vénézuéliens dans le monde.2 et après 2017, l’exode des Vénézuéliens à faibles revenus s’est accéléré.3 En février 2022, le nombre de migrants vénézuéliens en Colombie avait atteint 2,48 millions, une augmentation significative par rapport aux 403 702 migrants vénézuéliens en 2017,4 ce qui en fait le pays où l’afflux de population vénézuélienne est le plus important (environ 33 % de la population migrante totale).5 La plupart des familles de migrants arrivent avec des ressources limitées et ont un besoin urgent de papiers, de logement, de nourriture et d’assistance médicale. D’ici à la fin de 2020, 56 % des nouveaux arrivants vénézuéliens6 sont entrés dans le pays sans franchir la frontière officielle, avec des documents falsifiés ou en dépassant la durée de validité de leur visa ou de leur permis de séjour. L’absence de documents ou de permis de séjour dans les pays voisins a également entravé l’accès aux services sociaux de base.7

En février 2021, le gouvernement colombien a lancé le statut de protection temporaire (Estatuto Temporal de Protección para Migrantes Venezolanos, ou ETPV) par le biais d’un décret. Ce mécanisme juridique facilite la transition des migrants d’un régime migratoire d’urgence à un statut de régularisation, leur donnant accès à l’emploi formel, à l’éducation, aux soins de santé et aux services financiers. Le programme prévoit un permis de séjour de dix ans, au cours duquel les migrants ont la possibilité d’obtenir un visa de résident qui leur permettrait de rester dans le pays au-delà de la période initiale.

L’ETPV vise à favoriser l’intégration des migrants vénézuéliens dans la société colombienne tout en décourageant les méthodes dangereuses d’entrée dans le pays.8 Le permis permet aux migrants vénézuéliens de bénéficier des subventions et des services nationaux dans les mêmes conditions que les Colombiens, ce qui garantit l’égalité des chances en matière d’intégration à moyen et à long terme.9 En outre, il intègre des garanties pour protéger les enfants et les adolescents vénézuéliens qui entrent et sortent librement du pays (avec un maximum de 180 jours passés en dehors de la Colombie), et il facilite la procédure d’obtention d’un visa de résident.

Sont éligibles les Vénézuéliens qui ont franchi la frontière avant le 31 janvier 2021, quel que soit leur statut d’immigration, et ceux qui entrent légalement en Colombie au cours des deux prochaines années, jusqu’au 28 mai 2023.10 11 Les autorités colombiennes estiment que cette mesure pourrait bénéficier à plus de deux millions de personnes.12

Mise en œuvre

Historiquement, le conflit armé interne qui perdure et l’instabilité économique ont fait de la Colombie un pays d’origine pour les migrants et les réfugiés, plutôt qu’un pays de destination.13 Cependant, ces dernières années, le pays a dû adopter une politique migratoire en réponse à l’afflux croissant de Vénézuéliens.

De 2015 à 2017, sous l’administration du président Juan Manuel Santos, le gouvernement s’est concentré sur des mesures humanitaires à court terme telles que la carte de mobilité frontalière, qui facilitait la mobilisation des résidents vivant le long de la frontière entre le Venezuela et la Colombie, et le permis spécial de permanence (Permiso Especial de Permanencia ou PEP) qui offrait aux Vénézuéliens un statut migratoire régulier de deux ans.14

De 2018 à 2021, le gouvernement a lancé des initiatives à moyen terme visant à permettre aux migrants d’accéder aux services sociaux essentiels, tels que les soins de santé, l’éducation, la prise en charge des enfants et les possibilités d’emploi. Ces efforts incluent la stratégie de génération de revenus en collaboration avec le PNUD, qui a créé des itinéraires, identifiant les actions et les obstacles, pour améliorer l’employabilité, encourager l’esprit d’entreprise et promouvoir l’inclusion financière. Il s’agit également d’une décision de 2019 visant à conférer la pleine citoyenneté à environ 30 000 enfants nés en Colombie de migrants et de réfugiés vénézuéliens.15

Coût

L’aide aux migrants vénézuéliens a été principalement financée par des prêts et la coopération internationale.16 La Banque mondiale a fourni un financement de 1,6 milliard d’USD pour la période 2019-2021. La plupart de ces fonds ont été accordés sous forme de prêts.17 Selon le ministère des Affaires étrangères, 665 millions de dollars seront nécessaires en 2023 pour soutenir les réfugiés et les migrants vénézuéliens.18

L’évaluation

L’ETPV a été reconnu comme une politique pionnière et comme « le geste humanitaire le plus important depuis des décennies ».19 En février 2022, environ 2,4 millions de Vénézuéliens (96 % de la population migrante) avaient demandé un statut de protection temporaire, et près de 1,4 million de demandes avaient été approuvées en juillet 2022.20

Cette politique est relativement récente et ses effets doivent encore être évalués.

Certaines perspectives suggèrent que les travailleurs migrants peuvent remplacer les travailleurs autochtones sur le marché du travail. Toutefois, les experts s’accordent de plus en plus à dire que les migrants et les réfugiés contribuent positivement à l’économie de leur pays d’accueil lorsqu’ils y sont pleinement intégrés. Des études universitaires menées en 2022 sur l’impact de la PEP en Colombie ont révélé que la régularisation des migrants se traduisait par des salaires plus élevés et des taux d’emploi plus importants pour les migrants, tout en ayant des effets négatifs minimes sur l’emploi de la population locale.21 22 Ces études ont également suggéré que la régularisation augmentait la probabilité d’affiliation des migrants aux programmes de protection sociale en Colombie de 43,4 à 46,1 points de pourcentage. Les bénéficiaires du PEP ont également fait part d’un plus grand sentiment de confiance lorsqu’ils s’adressent à des services publics, lorsqu’ils s’engagent auprès des autorités pour faire valoir leurs droits et lorsqu’ils négocient leurs conditions de travail.23

L’un des principaux objectifs de l’ETPV, ainsi que d’autres politiques complémentaires, a été l’intégration des populations réfugiées et migrantes dans les services publics nationaux et les systèmes de prestations, ce qui a permis d’obtenir des résultats plus durables et plus efficaces en termes de coûts. Par exemple, les migrants en situation irrégulière sont généralement pris en charge par les services médicaux d’urgence, qui coûtent plus cher que les services auxquels ont accès les migrants réguliers par le biais de systèmes de santé subventionnés ou contributifs.24 En outre, la régularisation réduit la charge fiscale de la migration à moyen terme en facilitant l’accès des migrants à des emplois formels et de meilleure qualité, ce qui leur permet de générer leurs propres revenus et de payer des impôts.25

Malgré les progrès réalisés, des défis subsistent. Tous les migrants vénézuéliens ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier d’une protection parce qu’ils ne peuvent pas prouver leur date d’entrée ou fournir des documents d’identité valides, ce qui entraîne l’existence d’un marché noir pour les services de documentation.26 La xénophobie est persistante dans le pays. Selon un sondage réalisé en 2020, seuls 20 % des Colombiens approuvent l’approche du gouvernement en matière de migration et près de 70 % d’entre eux ont une opinion défavorable de l’immigration vénézuélienne.27

En outre, les services sociaux en Colombie sont mis à rude épreuve en raison de la récession économique et de l’inflation croissante, ainsi que de l’augmentation des déplacements internes dus à la violence et au conflit dans le pays. Même en cas de régularisation légale, de nombreux migrants vénézuéliens choisissent de chercher de meilleures perspectives ailleurs, comme aux États-Unis et en Europe, car leurs revenus et leurs possibilités d’emploi sont limités en Colombie.

Références

Tags