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Télémédecine pour les communautés rurales : Maroc

Télémédecine : des soins de santé accessibles pour les communautés rurales au Maroc (2018-en cours)

15 septembre 2023
Auteur : Rabab Hteit
ONU ESCWA

La télémédecine est la fourniture de consultations médicales par l’intermédiaire d’une plateforme numérique. L’utilisation de logiciels de télécommunications permet aux experts médicaux du Maroc de guider les praticiens locaux, tels que les infirmières, les techniciens et les médecins non spécialisés, dans le diagnostic et le traitement des patients, afin d’améliorer la qualité des services fournis aux communautés rurales. La télémédecine tire parti des progrès de la numérisation et de l’accès à l’internet pour étendre les services de santé à 1,3 million de personnes vivant dans des communautés rurales mal desservies.

En 2018, le Maroc comptait 6,2 médecins pour 10 000 habitants,1 soit près d’un tiers du taux minimum recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 17,5 médecins pour 10 000 habitants.2 Les disparités régionales dans le nombre de médecins par patient sont prégnantes : plus de 50 % des médecins au Maroc travaillent dans l’axe Casablanca-Rabat. La géographie montagneuse du Maroc exacerbe les inégalités d’accès aux soins pour les populations rurales. Par exemple, plus de 40 % des Marocains doivent parcourir plus de dix kilomètres pour accéder aux services de santé, souvent dans des zones où l’accès aux transports publics est limité.3 Par ailleurs, les établissements de santé publique ruraux sont plus susceptibles de disposer d’équipements inadéquats et de manquer de personnel que ceux situés dans les zones urbaines.4

Pour améliorer l’accès à des soins de santé abordables et de qualité, en particulier pour les populations rurales mal desservies, le gouvernement a introduit la télémédecine, qui utilise une plateforme électronique intégrée pour étendre les services de santé aux populations éloignées. La télémédecine permet à des médecins spécialisés, quelle que soit leur situation géographique, d’examiner et de diagnostiquer des patients à l’aide d’un logiciel de vidéoconférence, tout en guidant les professionnels de santé sur place qui accompagnent les patients dans les centres de santé ruraux.5

Mise en œuvre

Le programme de télémédecine fait partie du plan national marocain visant à étendre les réseaux et la couverture Internet dans les zones rurales dans le cadre des stratégies e-Maroc 2010 (2005-2010), Maroc Digital 2013 (2009-2013) et Maroc Digital 2020 (2015-2020). La télémédecine continue également d’être intégrée dans la stratégie 2025 du ministère de la santé.

La télémédecine a été introduite pour la première fois en 2015 par la loi n° 131-13, qui a permis la pratique de la télémédecine dans les cliniques de santé. En vertu du cadre réglementaire, la télémédecine ne peut être pratiquée que dans les centres médicaux, les hôpitaux et les cliniques ayant reçu l’autorisation du ministère de la santé, et un professionnel de la santé doit être présent auprès du patient pendant toutes les téléconsultations. Cependant, l’utilisation de la télémédecine a été minime jusqu’en 2018, lorsque le gouvernement a installé de nouveaux centres de santé ruraux spécialement équipés pour la pratique de la télémédecine, afin de réduire le temps de déplacement jusqu’à l’hôpital le plus proche.

Après l’adoption de la législation, la mise en œuvre du programme a commencé par un projet pilote en 2018,6 qui visait à déployer la télémédecine dans six communautés rurales, couvrant trente-cinq unités de santé sans services médicaux. Au cours de la phase pilote, les téléconsultations ont été menées par des professionnels de la santé spécialisés de l’Université Mohammed VI des sciences de la santé de Casablanca, qui ont conseillé les praticiens de la santé rurale dans leurs efforts pour examiner les patients des centres de santé ruraux.

Suite au succès de la phase pilote, la phase 2 du programme comprend la mise en œuvre dans quarante communautés rurales au cours de l’année 2020-21. La phase 3 est le déploiement national de la télémédecine, qui devrait être achevé d’ici à 2025. D’ici 2025, cette politique devrait permettre à 120 communautés rurales, soit 1,3 million de personnes, d’accéder à des services de santé améliorés, alors qu’elles n’étaient pas en mesure d’accéder à des services de santé spécialisés au niveau local.7

Afin de développer la télémédecine, le gouvernement a acheté une plateforme intégrée de télémédecine à une jeune entreprise européenne appelée HOPIMEDICAL. La plateforme permet aux médecins de mener des consultations à distance, tout en gérant les dossiers médicaux, les prescriptions et les rendez-vous, et en respectant les normes de confidentialité et de sécurité des données.

Coût

Les services de télémédecine sont couverts par l’assurance maladie obligatoire, financée par les employeurs et le gouvernement. L’assurance couvre tous les citoyens marocains et comprend des systèmes de santé publics et privés. Aucune information spécifique concernant les coûts associés à la télémédecine n’a été identifiée.

L'évaluation

La télémédecine permet aux populations rurales d’accéder à des soins de santé de qualité, en particulier aux populations rurales et à faibles revenus qui n’ont pas toujours le temps ou les ressources nécessaires pour parcourir de longues distances afin d’accéder aux soins de santé dont elles ont besoin. Elle permet également aux personnes handicapées d’accéder plus facilement à des services de santé de meilleure qualité.8

La télémédecine a permis de maintenir l’accès aux services de santé pendant la pandémie de COVID-19. Au début de la pandémie, le ministère de la santé a déployé un système numérique gratuit de suivi de la santé pour les patients chroniques, appelé tbib-24, qui avait la capacité de connecter les patients du COVID-19 à plus de 100 spécialistes par l’intermédiaire d’un logiciel de vidéoconférence.9

En raison de la courte durée d’existence de la télémédecine et de son chevauchement avec la pandémie de COVID-19, qui a ralenti la distribution des équipements aux centres de santé, il est difficile d’évaluer son succès. Cependant, une enquête réalisée en 2022 par l’Université Mohammed V de Rabat a révélé que 82 % des médecins pensaient que les mécanismes de santé en ligne amélioraient l’accès des patients aux soins, tandis que 70 % estimaient qu’ils facilitaient le contact entre le médecin et le patient.10

Des obstacles doivent encore être surmontés pour que la télémédecine réalise son plein potentiel en fournissant aux zones rurales un accès à des services de santé de haute qualité, notamment un manque de sensibilisation à la télémédecine parmi les patients et les praticiens, ainsi qu’une pénurie de techniciens formés.11

Informations complémentaires

Le service de néphrologie de l’hôpital universitaire Hassan II de Fès s’appuie sur la télémédecine pour suivre par dialyse péritonéale environ trente-trois patients originaires de régions éloignées et souffrant d’insuffisance rénale chronique terminale. Les patients utilisent un nouvel équipement qui permet une dialyse automatisée et un système de télémédecine qui réduit la nécessité pour les patients de se rendre à l’hôpital. La surveillance est assurée par une station installée dans le service de néphrologie de l’hôpital universitaire, qui permet de suivre les patients et d’ajuster le traitement à distance.12

Légende de la photo « Portrait d’un médecin posant dans une clinique ». ©Adobe Stock/Prostock-studio
Références

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